Derrière le sourire de l’hippopotame : autopsie d’un modèle qui tient la route
Dans la jungle de la restauration à table, peu d’enseignes ont su rester en vie aussi longtemps qu’Hippopotamus. Née en 1968, la marque au pachyderme aurait pu sombrer pour de bon dans les années 2010, emportée par le boom de la street food et le désamour croissant des Français pour les chaînes en perte d’identité. Et pourtant… elle rebondit. Mieux : elle s’exporte, se franchise, et redessine le paysage de la restauration dite « classique ». Pourquoi et comment ? Zoom sur une enseigne qui ne fait pas que griller des côtes de bœuf.
Un repositionnement stratégique orchestré par Bertrand
On commence par un fait stratégique : Hippopotamus appartient aujourd’hui au Groupe Bertrand, mastodonte (sans mauvais jeu de mots) de la restauration, déjà aux manettes de Burger King France, Au Bureau, Volfoni ou encore Léon. C’est en 2017 que le groupe relance la machine Hippo.
Objectif : rompre avec l’image poussiéreuse d’une chaîne ringarde à la cuisine approximative. Résultat : des cartes retravaillées, un sourcing plus qualitatif, un nouveau positionnement sur la viande française grillée à la braise, des décors modernisés signés par des cabinets d’architecture, et un retour à l’essentiel : satisfaire une clientèle intergénérationnelle avec une expérience conviviale, copieuse mais plus engagée.
Un modèle de franchise repensé pour performer
Hippopotamus, c’est aussi une franchise qui a compris que le changement ne se limite pas à l’assiette. Ce format de restaurant, souvent situé en périphérie ou dans des zones commerciales, repose sur une mécanique fortement processée, ce qui est parfait pour la duplication. Et depuis le virage 2017, le modèle d’accompagnement franchiseur a lui aussi été affiné :
- Formation initiale complète (6 à 8 semaines) pour les nouveaux franchisés.
- Coaching opérationnel au lancement et suivi régulier sur site.
- Appui marketing national + marketing local clé en main.
- Interface digitale de gestion des performances (CA, coûts matières, RH).
- Charte de décoration adaptable selon les zones de chalandise.
Un franchiseur solide, un support opérationnel constant, et des conditions financières raisonnables pour un acteur bien installé : contrat de 9 ans, droit d’entrée tournant autour de 45 000 €, investissement global moyen situé entre 800 000 € et 1 million d’euros selon le type d’emplacement.
Le feu sacré de la restauration à table
Si Hippopotamus attire aujourd’hui des profils d’anciens cadres en reconversion et d’investisseurs multi-sites, ce n’est pas par hasard. La restauration à table a encore son mot à dire. Elle résiste. Et dans ce segment, les clients viennent chercher :
- Un service à table qui rassure et fidélise.
- Un environnement propice aux repas en famille ou entre collègues.
- Une offre claire, accessible, et sans mauvaise surprise.
Ici, on ne joue pas la carte du fast casual au design épuré où tout se commande sur smartphone. On revisite les fondamentaux : grillades, accompagnements généreux, sauces maison. Et surtout, une qualité de viande standardisée avec une traçabilité accrue – argument de poids face aux préoccupations éthiques et sanitaires actuelles.
Un réseau en relance maîtrisée
Alors que beaucoup auraient tenté une expansion tous azimuts, Hippopotamus joue la carte de la solidité. Aujourd’hui, sur la centaine de restaurants existants en France, près de 60% sont franchisés. Et la marque privilégie désormais une croissance ciblée :
- Pas plus de 10 à 15 ouvertures par an.
- Priorité aux villes de plus de 50 000 habitants ou aux centres commerciaux à fort trafic.
- Possibilité de format center-ville ou périphérique selon l’environnement.
Cette volonté de maîtriser le développement — loin du modèle du « toujours plus vite, toujours plus gros » — est l’un des gages de réussite pour les futurs franchisés. Car ici, on privilégie la qualité des implantations à leur quantité : un signal plutôt rassurant pour qui cherche à rejoindre le réseau.
La marque historique fait peau neuve, sans renier son ADN
Ce qui frappe, quand on observe les derniers établissements relookés, c’est cette capacité à conserver l’esprit de la maison sans sombrer dans la naphtaline. L’ambiance est chaleureuse, les tons boisés bien utilisés, et les codes de la tradition sont adroitement revisités pour séduire une clientèle aussi bien familiale que professionnelle.
Mieux encore, la marque n’a pas cédé à toutes les sirènes de la mode culinaire. Vegan friendly ? Oui, mais sans nier que l’ADN reste carnivore. Sourcing responsable ? Évidemment, mais sans faire passer le client pour un militant. Le résultat : une carte qui parle vrai et qui vend ce qu’elle promet. À l’heure où les enseignes multiplient les concepts éphémères, voir un restaurant rester fidèle à lui-même peut presque passer pour une subversion.
International : un terrain de jeu encore sous-exploité
Hippopotamus dispose également de quelques établissements à l’étranger — Maroc, Luxembourg, Émirats Arabes Unis — qui montrent que le modèle peut s’exporter, à condition d’une bonne adaptation culturelle.
Cela dit, l’international reste pour l’instant une ambition modérée. L’accent est surtout mis sur la France, terrain encore très porteur, surtout dans les territoires où les offres de restauration « classiques » se raréfient. Pour les franchisés aimant le défi de l’implantation dans des zones moins compétitives, c’est un boulevard.
Les clés pour réussir sa franchise Hippopotamus
Vous songez à ouvrir un Hippo ? Avant de dégainer le chéquier, voici quelques signaux faibles à bien intégrer :
- Le succès dépend en grande partie de la qualité du management local : ici, pas question d’être un investisseur passif.
- La gestion RH est un point cardinal. Travail d’équipe, formation continue, ambiance de service : tout se joue dans la salle.
- Suivre les standards du réseau n’est pas une option. Hippopotamus mise sur l’homogénéité de l’expérience client.
- L’emplacement reste, comme toujours, la variable stratégique la plus sensible. Un bon resto mal placé reste un mauvais investissement.
Ce qui fait la force d’Hippopotamus en franchise, c’est cette combinaison de notoriété nationale, de process rodés, et d’une ambiance qui ne sonne pas creux. On n’est peut-être pas dans le haut de gamme, mais on est sacrément bien dans son créneau.
En résumé : un pachyderme agile, ça existe
Hippopotamus surprend là où on ne l’attendait plus. Non seulement l’enseigne a tracé une ligne claire dans un marché devenu anxiogène, mais elle prouve qu’il est encore possible de réussir en restauration à table avec un modèle de franchise bien conçu, recentré sur son triptyque gagnant : maîtrise, transparence, et proximité.
Est-ce que tous les Hippo sont des machines à cash ? Bien sûr que non. Mais entre les mains d’un franchisé impliqué, épaulé par une structure robuste, l’enseigne propose un retour sur investissement attractif dans un secteur où les profils trop “conceptuels” se cassent parfois les dents.
Et si spéculer sur l’avenir des chaînes de grillades semblait risqué il y a dix ans, force est de constater qu’aujourd’hui, parier sur Hippopotamus est loin d’être un mauvais placement. La franchise prouve, discrètement mais solidement, qu’elle sait mâcher le marché sans le déchiqueter. Un vrai modèle bien rôti.